Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'Histoire n'est qu'une histoire à dormir debout
27 août 2007

Les moines au Moyen-Age

moine

Cet article est inspiré du chapitre « Les moines au Moyen-Age » de Giovanni Miccoli, extrait de l'ouvrage conduit pas Jacques Le Goff, l'Homme médiéval.

Les monastères et prieurés (clunisiens, cisterciens, chartreux…) qui au XIIème siècle peuplaient les campagnes de l’Europe par milliers se sont réduits, aujourd’hui, à quelques centaines dans le monde entier. Ce déclin indiscutable est le fait de plusieurs phénomènes conjugués : la réforme luthérienne qui a entraîné la fermeture de nombreux monastères dans les régions de l’Europe centrale et septentrionale, la Révolution française qui, par sa célèbre Constitution civile du Clergé a exigé la dissolution des communautés monastiques, ou encore la politique de Rome elle-même qui a trouvé à s’appuyer sur d’autres instruments d’intervention plus souples que le monachisme.

Mais avant le XVe siècle – siècle au cours duquel le monachisme n’est plus que l’ombre de ce qu’il avait été – la prépondérance des moines, même dans la société séculaire, est indiscutable. Il est question, dans cet article, de s’interroger sur cette domination spirituelle et morale, puis sur son progressif déclin. C’est Jean Cassien qui, au Ve siècle, donne une synthèse des origines monastiques : A Jérusalem, au temps des apôtres, la foule entière des croyants vivait unie et mettait tout en commun. Les possesseurs de terres ou de maisons les vendaient, et les bénéfices étaient ensuite distribués selon les besoins de chacun. Toute l’Eglise était alors tels que sont les quelques individus des couvents. Mais après la mort des apôtres, certains préférèrent conserver tous leurs biens, tout en confessant leur foi dans le Christ. Les autres, respectant la vieille tradition, s’installèrent dans les faubourgs, fuyant la vie plus relâchée des villes. L’expérience monastique était alors, dès le départ, considérée comme la continuité même d’un christianisme pur et parfait, celui des apôtres (célibat, ascèse, renoncement à la propriété privée et mise en commun des biens). Le monachisme détenait ainsi la propriété exclusive du christianisme authentique, ce qui s’inscrivait dès les origines dans une logique d’aristocratie élitaire.

De plus en plus encadrées par des règles, et toutes sous la gouverne d’un supérieur hiérarchique, les nouvelles fondations monastiques fleurirent au IVe et Ve siècle. Le monastère devenait ainsi un monde à part, autosuffisant, réglé, et havre de tranquillité dans un monde hostile et dangereux. Les moines eux-mêmes étaient devenus des modèles exemplaires, ce que dénotaient la conservation de leurs reliques et le culte rendus aux lieux qu’ils avaient visités. Les monastères devenaient des lieux de vie sainte, et étaient réellement vénérés.

Cela ne fut bien sûr pas sans incidence sur la fonction des monastères dans la société : dès le VIe siècle, les rois et les puissants s’y intéressèrent de très près, comprenant qu’ils pouvaient s’en servir pour arriver à leurs fins, c’est-à-dire asseoir leur pouvoir. Le meilleur exemple était l’abbaye de Saint-Denis, fondée en 650 sur ordre de Dagobert. Cette grande vague de création monastique sous parrainage vit son apogée sous l’hégémonie carolingienne : avec Charlemagne, la fondation d’un monastère devenait une prérogative royale ou impériale, et les moines devaient impérativement prier pour la réussite du mécène. Mais la crise qui toucha les constructions des politiques carolingiennes et les destructions de monastères infligées par les Sarrasins, les Hongrois et les Normands, obligèrent les générations monastiques suivantes à ancrer de nouveau leur hégémonie, sans pour autant abandonner la ligne tracée par leurs ancêtres. Pour autant, ce nouveau monachisme fut beaucoup plus organisé, et beaucoup plus conscient de ses capacités d’intervention dans les affaires politiques et sociales…

À partir du Xe siècle, les monastères furent considérés par les puissants comme des centres privilégiés afin de renforcer leur pouvoir politique. Mais très vite, la conscience se fait jour d’un déclin progressif de la discipline monastique provoqué par la subordination des monastères aux pouvoirs et aux intérêts qui l’entourent. Ce sont d’ailleurs ces mêmes pouvoirs et intérêts qui le font exister, là est tout le paradoxe. Afin de se protéger de cette mainmise, les monastères ont eu tendance à se coaliser : c’est le cas de l’abbaye de Cluny, qui regroupait une centaine de monastères dans tout l’Occident et devint, entre le XIe et le XIIe siècle, la congrégation religieuse la plus importante et la plus influente de la chrétienté.

Malgré cet instinct de survie, les monastères n’ont pu échapper aux formes et moyens qui permettaient aux rois et aux grands seigneurs d’établir un lien étroit avec le cloître : d’abord et avant tout, l’habitude de revêtir l’habit monastique à l’approche de la mort montrait la recherche de garanties pour leur destin dans l’au-delà par la sépulture monastique et les prières des moines ; ensuite et enfin, la pratique des donations aux monastères. Par exemple, Alphonse, roi de Castille, avait abondamment couvert de bénéfices la congrégation de Cluny, et dans l’église dédiée à saint Pierre et à saint Paul, construite grâce à ses donations, on lui concédait un des plus importants autels, où une messe quotidienne demandait son salut éternel.

Ainsi, le monastère donnait des garanties pour l’au-delà, mais aussi des avantages concrets que l’on pouvait obtenir dès ce monde-ci…Nombreux étaient les moines qui ont occupé des fonctions de conseillers et de médiateurs (Désiré de Monte-Cassino, Suger de Saint-Denis, Pierre le Vénérable). Les moines avaient un prestige, une autorité, un pouvoir de décision, et ils inspiraient la fascination en raison de leur force d’introspection et d’analyse qui les rendaient supérieurs aux autres. Ils étaient des tableaux éloquents d’agilité mentale, de subtilité d’interprétation et de perspicacité de vue. Pour conclure, les caractéristiques fondamentales de la présence monastique par rapport aux pouvoirs du siècle étaient leur œuvre de médiation, de pacification et d’orientation. Cela ne veut pourtant pas dire que ces moines n’étaient pas engagés, et que leur participation aux grands événements se résumait à un arbitrage : les monastères étaient souvent des pions décisifs dans les luttes pour la redistribution du pouvoir.

Pourtant, le système monastique a traversé une phase de crise sévère dès le XIVe siècle : d’abord, alors que l’emblème du choix monastique était la « pauvreté volontaire », les monastères étaient bien loin d’être pauvres – le prouvait l’opulence de leurs églises. En outre, tout porte à croire que l’abandon de la société profane était une vocation. Pourtant, nous ne devons par nous tromper sur le concept de « vocation » : ce qui était pour quelques uns un choix volontaire et mûrement réfléchi était pour la majeure partie l’engagement sur une voie tracée par d’autres. Par exemple, c’était une habitude des nobles et des chevaliers de confier leurs enfants au monastère pour un long apprentissage éducatif…et il arrivait souvent que ceux-ci soient accablés de chagrins et de tentations.

Si l’exceptionnelle expansion monastique a eu certaines motivations, comme de mettre un frein à la croissance démographique, trop importante par rapport aux ressources disponibles, mais aussi de se racheter de ses péchés et de s’assurer une existence correcte dans l’au-delà, des lézardes étaient déjà visibles dès le Xe siècle. D’abord, les monastères avaient tendance à accaparer l’incarnation de la perfection chrétienne ; ensuite, le système monastique s’organisait de lui-même, ce qui l’a conduit à la découverte de la mission. Ainsi, les moines sont sortis des monastères pour avoir une vie plus active, une vie de pauvres parmi les pauvres. Ce fut le cas de Saint François d’Assise.

Pour conclure, si les moines et les monastères ont été, par la suite, réduits à un rôle de moins en moins central, la spiritualité qu’ils avaient élaborée aux cours des siècles de leur hégémonie a laissé un héritage décisif : la persistance dans les différentes formes de vie religieuse de l’exigence de s’organiser selon une « règle » fondée sur l’obéissance, d’une communauté de bien, d’un ascétisme discipliné etc.

Publicité
Commentaires
D
Bon ben en fait j'ai eu le temps de le faire cet aprem...j'espère que ça va.
D
Ah je comprends la transition entre cénobites et castrats...hihihi...<br /> <br /> Je pense le faire dans le courant de la semaine prochaine, je n'ai aucun livre sur le sujet et il va falloir que j'aille à la bibliothèque...donc il me faut du temps !
A
Euh,au fait, les cénobites ils ont rétrécis ou ils ont été rétrécis? Tu prépares ton article sur les castrats?
A
Ah! Ma chère Nièce! Jeûne et abstinence! Voilà la clef de l'acquisition de la connaissance fondamentale! Ce qui explique mon ignorance.
D
D'ailleurs tu as vu, les cénobites ont bien rétrécis ! De 40 pages, ils sont passés à 2...
L'Histoire n'est qu'une histoire à dormir debout
Publicité
Archives
Publicité